Tandis que notre départ des États-Unis approche, il nous
reste un parc national que nous tenons absolument à voir : celui de Séquoia
National Park. Nous quittons la plaine californienne et ses vergers pour rejoindre
de nouveau la montagne. Plus nous montons en altitude, plus la végétation prend
de la hauteur jusqu'à atteindre la forêt des énormes Séquoias. Quelques flocons
de neige nous accueille, ce seront les derniers pour nous cette année. Bien que
grands, ces Séquoias sont plus petits que ceux que nous avions découverts à
Redwood dans leur parterre moussu. Par contre, ce qui frappe vraiment, c'est
qu'ils sont énormes, massifs et trônent en généraux dans la forêt depuis des
milliers d'années. Ce n'est pas pour rien que les plus gros s'appellent Général
Grant et Général Sherman. Certains conseillent de prendre les arbres dans leur
bras pour se reconnecter avec la nature. Nous avons donc appris à nous
démultiplier pour leur faire un gros câlin !
Faisons la ronde dans le jardin des grands séquoias !
En quittant cette forêt extraordinaire, une odeur
caractéristique vient chatouiller nos narines de retour dans la plaine. Les
orangers et les citronniers sont en fleurs et cette forte odeur sucrée nous
fait rouler les vitres grands ouvertes pour apprécier ce parfum. De quoi nous
rappeler que nous devons acheter des oranges dont nous nous régalons depuis que
nous sommes en Californie. Organiques ou pas, comprenez bio ou pas, elles n'ont
aujourd'hui plus de pépins et il nous tarde un peu de manger de
"vrais" fruits... Nous sommes dans la bonne direction !
En passant par Big Sur...
Nous retraversons la Californie dans sa largeur pour
rejoindre la côte Pacifique et prendre la Highway 1 entre San Francisco et Los
Angeles. Cette côte est magnifique et particulièrement sauvage jusqu'à se
rapprocher de Los Angeles. La période touristique a commencé, la route est
chargée et les possibilités de se trouver un petit coin pour la nuit sont assez
limitées, mais pas impossibles à trouver ! Toutefois, alors que nous arrivons à
la fin de nos six mois de visa B2, nous ressentons plutôt le besoin de nous
arrêter pour de vrai, pour une nuit ou deux, voire plus. Pouvoir ouvrir la
tente devient une nécessité, dormir à l'intérieur de la voiture devient
difficile avec les températures qui montent qui montent....
Côte Californienne Américaine
Nous quittons de nouveau la côte pour les terres où la
densité humaine change du tout au tout. Ainsi nous trouvons un campement à
quelques kilomètres d'un petit village au milieu de nulle part. Une épicerie
pour acheter quelques vivres si besoin, une bibliothèque pour se connecter à
internet, un magasin automobile histoire d'acheter de l'huile moteur... Nous
n'avons pas besoin de plus et prenons notre temps pour préparer notre passage
de la frontière tout en économisant nos derniers dollars.
La place, à l'ombre de grands arbres, nous offre des nuits
paisibles et de belles journées pas trop chaudes. Elle devient l'endroit idéal
pour notre grand ménage de printemps et notre changement dans l'organisation de
la voiture. Nous n'allons pas garder nos skis prêts à servir par exemple !
Allez hop, le temps de les farter pour les ranger, nous les glissons sous notre
matelas dans la tente de toit ! Nos vêtements d'hiver passent sous les
vêtements d'été dans notre coffre après avoir fait un tri et quelques
re-essayages. Allons savoir pourquoi, un des collants de ski d'Alex me va
maintenant et un des miens sera à lui pour le prochain hiver ! Non non
rassurez-vous, Alex n'est pas descendu en dessous de 55 kilos ! Et je suis loin
d'atteindre les 80 kilos ! En faisant notre tri, nous constatons vite que
finalement, nous mettons très souvent les mêmes choses et que ça en fait des
choses superflues...
En mode grand rangement !
Après un entretien intérieur, il est temps de passer à
l'entretien général de Pépère. Comme tous les 10000 kilomètres, c'est l'heure
de la vidange ! Nous pouvons aujourd'hui la faire n'importe où sans laisser une
goutte au sol ! Dans le même temps, nous changeons les roues de place afin
d'égaliser leur usure. Étant donné que la fuite du pont dans le moyeu avant
gauche a repris malgré le fait que nous ayons changé le joint en novembre, Alex
se lance dans un gros nettoyage du disque de frein car nous sommes dans
l'impossibilité d'ouvrir davantage pour fixer le problème pour le moment. Une
fois les mains sales, il est temps d'attraper la pompe à graisse pour les
croisillons, roulements, lames et rotules. Et nous finissons par inverser nos
deux batteries pour que ça ne soit pas toujours la même connectée à la batterie
auxiliaire et autres éléments. Comme à chaque fois, une fois que c'est fini,
nous ressentons une grande satisfaction d'avoir pris soin de notre Toyota.
C'est juste moins agréable en reprenant la voiture de se rendre compte qu'il
n'y a plus de frein malgré la purge et qu'un bruit de courroie détendue se fait
entendre ! Rien de grave, c'est juste la vis inférieure de maintien de
l'alternateur qui a cassé... Il ne suffit que de la remplacer ! Et pour les
freins ? Ben on purge et re-purge... Mais c'est partie pour une super purge
!
Une fois prêts, il ne nous reste plus qu'à traverser
l'agglomération de Los Angeles puis de San Diego avant d'atteindre le poste
frontière le plus traversé du monde. Il est dimanche, c'est très calme de ce
côté-ci de la frontière. Rien de mieux pour pratiquer notre espagnol qu'une
frontière déserte et des douaniers qui ont tout leur temps ! Première étape des
formalités, la voiture passe au scanner et je dois descendre de la voiture.
Alexandre avance Pépère jusqu'à sa zone de "mise à nu" et j'entends
ensuite de grands éclats de rire. Alex qui ne trouve pas ses mots en espagnol
fait bien rire les douaniers et l'atmosphère se détend tandis qu'ils continuent
leur travail d'inspection. Après 18 mois à pratiquer notre anglais de manière
intensive, nous repartons au point de départ avec notre espagnol peu frais !
Dès que nous commençons une phrase en espagnol, elle commence plutôt bien. Puis
un mot en anglais s'y glisse, puis un autre... Et les douaniers finissent par
nous parler en anglais directement... C'est frustrant ! En attendant, notre
espanglais est malgré tout efficace puisque nous obtenons notre visa
touristique de 6 mois ! Même si beaucoup d'américains fréquentent la Baja,
ici c'est espagnol qu'on parle ! Notre cerveau va devoir s'y faire de
construire des phrases 100% espagnoles, et vite por favor !
Une fois au Mexique, nous nous rendons alors compte que nous
avons oublié de laisser aux douaniers américains la carte justifiant notre
départ des États-Unis. Il va falloir nous trouver un moyen d'accéder aux
douanes américaines alors que nous sommes du mauvais côté. Ce n'est pas
possible en voiture, des milliers de voitures attendent pour passer aux États-Unis. Il faudra rejoindre le poste à pied ! Le calme du poste de douane
mexicain contraste totalement avec l'ambiance qu'il règne dès que nous rentrons
dans Tijuana. Après avoir tourne un peu perdus dans les rues de Tijuana, nous
trouvons un parking, Alex reste à la voiture, nous restons sur nos gardes tout
en nous sentant un peu bêtes d'être méfiants. C'est peut-être à tort, en fait
nous ne connaissons rien de ce pays. Nous avons tous les sons de cloche quant à
la "dangerosité" du pays, il est temps que nous prenions nos marques
par nous-mêmes ! Je me dirige vers les queues de voitures qui attendent leur
passage. Et me voilà à passer entre les voitures, me frayant un passage pour
arriver jusqu'aux douanes. Je me retrouve au milieu de dizaines de mexicains
qui sont là pour vendre churros, tacos et tout autre de choses aux voyageurs en
transit. Forcément, en me rapprochant des postes d'inspection, un officier
américain m'interpelle. Il doit bien se demander ce que je fais là ! Je lui
tends nos cartes en lui expliquant le problème (là les mots anglais viennent
tous seuls bien sûr...) et nonchalamment, il me prend les cartes. C'est bon,
tout est en règle !
Nous ne nous éternisons pas à Tijuana afin de nous avancer
un maximum, loin de la frontière et nous trouver une place pour notre première
nuit au Mexique. En fonction des lieux, aux États-Unis ou au Canada auparavant,
ce n'est pas toujours facile de trouver un coin pour s'installer pour la nuit.
Alors, dans un nouveau pays, c'est bon de s'y prendre un peu à l'avance
! Ce nouveau pays nous fait perdre tous les repères que nous nous étions
construits jusqu'à maintenant. Même Tijuana et Enseñada qui sont des villes
proches de la frontière sont bien mexicaines. Comme nous avons passé la
frontière sans produits frais, notre estomac n'a pas perdu ses marques lui.
Première étape, des courses ! Les bases : avocats et citrons verts, pain et
papaye ! Nos papilles se délectent d'avance de tous ces mets que nous allons
savourer ici ! Il est dimanche, les gens sont dans les rues ou apprécient de se
promener le long du Pacifique. De étals proposent des crustacés ou des noix de
cocos bien appréciables par des températures qui nous semblent estivales.
Forcément que le contraste est fort pour nous qui étions il y a alors deux
semaines les pieds dans la neige !
Un petit coin pour la nuit avec vue sur le Pacifique
Une fois que notre ventre ne crie plus famine, nous jetons
un coup d'œil à notre carte où une route quitte la route principale pour
rejoindre le Pacifique. Là, nous prenons conscience qu'une route secondaire est
en réalité une piste et bien habitués à avoir toujours des indications, nous
hésitons à nous y engager. "Tu es sûre que c'est là ? Fais moi voir la
carte !" "Mais si c'est là ! Enfin... Je pense !"... En tout
cas, la piste est belle et nous permet de rejoindre l'océan et ses vagues
rugissantes. Nous sommes trop contents d'avoir trouvé ce coin même si la
berceuse des grosses vagues toute la nuit n'a pas été des plus douces ! Sur la
route du retour, nous croisons de nombreux mexicains qui ne sont pas avares en
salutations. Tombant sur une vieille Toyota parquée sur le bord de la route,
son propriétaire est sous la roue avant droite et essaie de fixer son problème
d'amortisseur qui est complètement sorti de son axe. Le temps de lever la
voiture, de sortir outils et quelques vis, d'échanger quelques mots faciles à
comprendre grâce au contexte mécanique, il est prêt à repartir sur la piste
avec un amortisseur qui tient et nous nous sentons tous contents d'avoir rendu
service. Les paysages de cette première partie de la Basse-Californie sont bien
verts et les cultures maraichères bien arrosées compte tenu des récentes
pluies. La piste elle-aussi est pleine de flaques profondément boueuses et très
vite, Pépère revêt une sorte de tenue camouflage qui nous fait dire qu'au moins
comme ça nous serons plus discrets et peut être un peu moins gringos !?
El Niño a été généreux en eau ces derniers temps !
Il est vrai que nous ne sommes pas forcément à l'aise en
arrivant au Mexique. Les grands bonjours des Mexicains nous confortent dans
l'idée que nous sommes les bienvenus et c'est ce qui compte ! Bien que nous
resterons toujours des blancs dans ce pays riche de son métissage, nous
espérons ne pas être perçus que comme des touristes. En tout cas, nous prenons
nos marques dans notre vie de tous les jours au Mexique qui prend réellement
des allures de vraies vacances. C'est un rythme que nous n'avons pas vraiment
connu ces deux dernières années de vie nomade. Ici nous ressentons réellement
la possibilité de nous arrêter et de prendre notre temps...
Le vol tranquille et silencieux du pélican délicat
Balbuzard pêcheur, the osprey, à l'heure du repas
Nous nous mettons au rythme du spectacle de la faune qui
nous entoure, les baleines s'approchent et sortent le nez tout en semblant se
frotter le ventre sur le sable à une trentaine de mètres de la plage. Puis
viennent les grands plongeons des pélicans et les ballets aériens des
balbuzards pécheurs qui initient leur petit à l'envol du nid. Un de nos
meilleurs souvenirs pour le moment reste notre virée en kayak au plus proche
d'une mère dauphin et son petit venus chasser en eau peu profonde. Jusqu'à ce
qu'Alex se fasse piquer par une raie amatrice des eaux chaudes de la Mer de
Cortez, et ce, malgré ses tongs de sécurité ! Le Mexique ?! Ça pique !
Plage sauvage de la Punta Chivato, nous ne sommes pas bien là ?
Entre les plages du Pacifique à l'Ouest aux plages de la Mer
de Cortez à l'Est, la Baja est un grand désert et à la fois une immense forêt
de cactus, magnifique à traverser. La température est telle que nous ne
préférons pas vraiment nous y installer et recherchons l'air que nous pouvons
trouver sur les côtes. D'une plage à une autre, nous retrouvons Mathieu, Jeanne
et leurs deux garçons que nous avions rencontrés en Utah. Notre voyage nous
fait une belle surprise en ces terres du Mexique : nous lâchons prise et vivons
l'essentiel : manger, se baigner, pêcher, apprécier ce que nous vivons sur ces
plages de rêve avant d'aller nous reposer pour la nuit...
A très bientôt,
Les Galopères.